L'Écho de Paris 04 septembre 1924


La guerre civile en Chine

LA GUERRE CIVILE EN CHINE

Le ministère de la Marine avait annoncé mardi le départ pour Shanghaï de deux croiseurs, le Jules-Ferry et le Colmar. On apprenait hier que des contingents avaient débarqué et protégeaient les concessions françaises de la ville. Cette initiative n'a rien que de naturel en présence des nouvelles qui signalent des combats à proximité de Shanghaï. On ne doit pas s'en alarmer. Il est probable que les étrangers ne seront pas menacés: mais la France se devait de prendre les mesures nécessaires pour garantir en tout cas la sécurité de ses nationaux. Ces mesures ne seront d'ailleurs pas improvisées; elles seront l'exécution d'un plan arrêté il y a plusieurs mois entre le consul général de France à Shanghai et les autorités navales.

Il est bien difficile de se reconnaître dans la confusion des discordes sanglantes qui, depuis des années, désolent les immenses régions de 1'Empire du Milieu. Voici, autant qu'on peut prétendre à quelque clarté en pareille matière, comment se présentent les événements actuels.

La guerre civile, qui mit aux prises la Chine du Sud et la Chine du Nord, a abouti, en 1920, à la victoire de celle-ci, dont le chef, Ou-Pei-Fou, est le maître actuel de Pékin, Mais son autorité, reconnue dans la capitale, fut loin d'être acceptée partout. Les gouverneurs militaires des provinces, les toukiours, renouvelant ce qui s'était passé en France au temps de la décadence carolingienne, s'appliquèrent à rompre le lien entre le pouvoir central et les contrées soumises à leur autorité. Incapable de les vaincre directement Ou-Pei-Fou a repris à leur égard la tactique dont usaient les faibles descendants de Charlemagne, qui s'unissaient à certains vassaux pour combattre leurs autres vassaux révoltés.

C'est ainsi qu'il est intervenu dans la querelle qui oppose Tchi-Hsieh-Yuan, gouverneur du Kiang-Sou, et Lou-Yung- Hsiang, gouverneur du Tche-Kiang. Il a pris le parti du premier. C'est le développement des hostilités ouvertes entre ces deux rivaux qui menace d'atteindre Shanghai.

Jusqu'à présent, la lutte ne présente aucun caractère xénophobe, et il est peu probable que l'un des belligérants se risque à lui imprimer ce caractère, qui attirerait une répression immédiate et énergique.

Suivant toute apparence, les hostilités se prolongeront sans prendre une tournure décisive. L'espoir, exprimé par Tchi-Hsieh-Yuan, de travailler à la reconstitution de l'unité chinoise semble bien difficile à réaliser. Il faut plutôt prévoir la continuation de l'anarchie. La Chine continuera à se débattre dans la guerre civile et à provoquer les convoitises des deux grands peuples rivaux d'Amérique et du Japon. Ce n'est point là un gage de paix.

M. T.


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