Le Provençal de Paris 13 avril 1924


l'atelier du peintre Jean Peské

LES ARTS
Croquis d'Atelier

Les yeux de Jean Peské rappellent des neiges et des forêts lointaines. Mais la fréquentation de notre Midi et tout ce qu'il en a traduit par le pinceau et par le crayon ont donné à son visage des plis et des reflets qui sont de chez nous.

Son atelier n'est point haut perché ; tout au contraire au niveau du sol comme le sont plus volontiers, à cause du poids des statues, les ateliers des sculpteurs... Mais si la sculpture y a son petit coin, c'est par surcroît comme nous le verrons.

Dès l'entrée, je suis assailli par les couleurs et tout d'abord j'ai la joie de grandes frises décoratives, les unes de fruits aux magnifiques tons, les autres de fleurs de nuances roses et mauves. Ces frises sont destinées à la décoration de la villa de M. Baur, à Pontoise. Pastèques, melons, raisins, corolles, qu'il fera bon vivre sous ces images !

Déjà le midi paraît dans ces compositions. Mais voici le paysage de Saint-Clair, près du Lavandou, après l'incendie : la Plage de Favières, la Pointe du Gouron, dans les mêmes parages. C'est là que l'artiste a son atelier de Provence.

Les barquettes viennent jusqu'à sa porte; son jeune fils n'a qu'un saut à faire, durant les jours heureux des vacances pour pour aller pêcher la bouillabaise. Cette pointe du Gouron fit le sujet d'une encre de Chine, acquise par l'Etat pour le Cabinet du Ministre de la Marine.

L'Etat acquit d'autres œuvres le Bouquet de Fleurs, pour le Ministère des Beaux-Arts, les Collines de Bormes, pour la Préfecture de l'Ariège. La salle d'armes du Palais-Bourbon possède, en peinture, les Chênes-lièges du Lavandou, les P.T.T. une vue de l'Avenue de Villiers à l'encre de Chine. Aux P.T.T également, dans le cabinet du Ministre, une grande peinture. Vue de l'Ancien Evêché de Foix.

Mais vaguons à l'aventure devant ce qui reste en cet atelier. Dans ce carton plein d'aquarelles, d'aquarelles largement lavées, les Bormes, la tombe de Cazin, au milieu des herbes de ce vieux cimetière où l'on trouve des croix byzantines. Une vue de la Rade d'Hyères; le Puits de Socrate où venait travailler Cazin; la forêt de Colobrières, avec ses châtaigniers.

Quelle attachante vue de la cathédrale d'Amiens, vie de loin, se reflétant entre deux bouquets d'arbres, dans l'eau de la Somme, où dorment les bateaux à l'avant relevé qui, à leurs heures, transportent et débarquent là les légumes des maraichers.

Haute et grise, voici, dans un cadre, Notre-Dame-de-Paris, un Parvis Notre- Dame, une vue du Parc du Musée Rodin, avant le travail, utile certes, mais niveleur du jardinier...

Belles eaux-fortes à La Chapelle Saint-François, à Bormes, une vue de l'Ancien Port de Marseille. D'autres vues de Marseille destinées à l'Illustration.
Voici les Tamaris, sur la plage du Lavandou.

Un étonnant vendangeur, étude peinte sur bois. L'homme vide son panier de raisins dans une comporte; son pantalon turquoise, sa chemise rose et des fonds verts se détachent sur les tons du peuplier. Cette étude fut de celles qui précédèrent la toile du Salon de cette année : Le repas des vendangeurs, avec le paysan assis qui boit à la régalade, avec un somptueux écroulement de fruits au premier plan et la jupe rouge d'une fille italienne.

Nous reverrons ce tableau à la Société Nationale. Ne quittons pas l'atelier sans admirer cette récolte des châtaignes sous un gigantesque châtaignier, avec le ramassage jusqu'au chargement sur le dos de l'âne.

Outre des œuvres rudes, Jean Peské a fait des Maternités émouvantes. Et c'est un homme heureux : Mme Peské crée d'intéressantes sculptures. J'ai vu d'elle une tête de nouveau-né d'une vérité vivante et une tête de femme âgée très remarquable. Mlle Claudine Peské a écrit, toute jeune qu'elle est, des vers que j'ai lus et auxquels des sentiments délicats et de vraies pensées sont enclos et, me dit- on, un roman qui va paraître dans une revue.

Grand jeune homme, le fils de Peské se destine à la culture des fleurs... Jean Peské est un artiste heureux...

Emile Solari,